FMH, organisation professionnelle
 

L’hôpital en mutation

Le système de santé est en pleine mutation, et l’un des principaux moteurs de cette évolution est le virage ambulatoire. Avec l’adoption du financement uniforme (EFAS), le système de financement ne sera plus un frein pour prodiguer les traitements là où il est médicalement pertinent de les proposer.
Jana Siroka, Dre méd., membre du Comité central de la FMH

Jana Siroka
​​​​​​​
Dre méd., membre du Comité central de la FMH

Alors que la prise en charge médicale se déplace de plus en plus vers l’ambulatoire, les hôpitaux continuent de jouer un rôle central dans le système de santé. Si un système de financement adéquat est essentiel, il n’en reste pas moins que la tarification, aussi bien ambulatoire qu’hospitalière, doit être appropriée. Sans cela, les hôpitaux ne sont en mesure ni de promouvoir l’innovation et de participer aux progrès de la médecine, ni d’offrir à leur personnel des conditions de travail satisfaisantes. Déjà forte aujourd’hui, la pression sur les hôpitaux ne cesse d’augmenter chaque année. L’écart qui se creuse entre l’inflation et les tarifs est d’ailleurs un sujet que nous pouvons régulièrement lire dans les journaux. Cette forte pression financière impacte toujours plus le travail de tous les groupes professionnels hospitaliers, sans exception : économiser sur le personnel d’entretien, c’est du personnel infirmier qui doit nettoyer les lits libérés aux urgences, au détriment de l’échange avec les médecins qui attendent pour poursuivre la visite. Économiser dans les secrétariats, ce sont des médecins en formation qui doivent se débrouiller pour obtenir les rapports médicaux des patients auprès de l’hôpital précédent, et donc aussi moins de temps pour les patients. Économiser sur l’amélioration des systèmes et applications informatiques, c’est ne rien faire pour corriger leurs dysfonctionnements et donc entraver le travail quotidien de toutes les personnes qui s’en servent. De manière générale, économiser sur le personnel médical, c’est mettre toute une équipe en difficulté lorsqu’une seule personne est absente. L’unique domaine qui semble être épargné, c’est celui de la micro-régulation et de la bureaucratie qui se poursuivent – symptômes de notre culture sécuritaire, tant sociale que politique. Il est temps de reconnaître qu’une prise en charge médicale adéquate et attentive ne viendra pas d’une réglementation accrue, mais bien d’une tarification appropriée, sans laquelle elle ne saurait être assurée.

Fermetures et fusions d’hôpitaux
La centralisation est une autre tendance forte du secteur hospitalier, et beaucoup espèrent qu’elle améliorera la qualité, l’efficacité et la viabilité financière. Or, à long terme, les fermetures et les fusions d’hôpitaux ne suffiront pas à garantir une prise en charge médicale de haute qualité dans un contexte de ressources limitées. Il sera essentiel d’éviter les obstacles risquant de pénaliser l’accès aux soins hospitaliers et de veiller à une densité raisonnable de patients dans les établissements restants.

Les petits hôpitaux peuvent également jouer un rôle précieux dans le système de santé, non seulement en tant qu’établissements de formation postgraduée à taille humaine, mais aussi parce qu’ils peuvent offrir des services spécialisés et personnalisés dans l’environnement direct des patients. L’offre décentralisée de soins de proximité, pour les patients et leurs proches, est tout aussi importante que la concentration de services hautement spécialisés dans les grands centres. La FMH plaide depuis longtemps en faveur d’une planification hospitalière qui dépasse les frontières cantonales pour s’orienter sur des zones régionales de soins. Une évolution actuellement freinée par les prérogatives des cantons et les conflits d’intérêts qui en découlent, notamment en raison de leur rôle de propriétaires et de créanciers des hôpitaux publics, de planificateurs (instance délivrant les mandats de prestations et les autorisations de pratique), sans oublier leur rôle politique, ouvrant la porte à des déséquilibres lorsqu’il s’agit de développer l’offre de soins en fonction des besoins.

Un départ sur des bases solides
Les tendances à l’ambulatoire et à la centralisation nous poseront des défis importants dans les années à venir, mais nous démarrons sur de bonnes bases : forte de mes 30 ans d’expérience dans de grands centres universitaires et au sein d’hôpitaux régionaux de plus petite taille, je sais que nous pouvons être fiers du paysage hospitalier qui est le nôtre. Hautement développé, il est aussi très diversifié et permet aux médecins de pratiquer une médecine de qualité. Avec le financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières, nous avons franchi un grand pas en faveur du développement de notre système de santé. Les prochaines étapes importantes consisteront à garantir une tarification appropriée, à réduire les tâches administratives et à procéder à une plani- fication hospitalière à l’échelle régionale, afin de continuer à assurer une prise en charge médicale adéquate, au service de la population.

Correspondance

jana.siroka@fmh.ch​​​​​​​

À propos

Spécialiste en médecine intensive
​​​​​​​et en médecine interne générale